Une patte de chaque côté

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À l’ouverture des marchés ce matin, nous étions pratiquement au milieu de ce qui a été le sommet de février et le plancher de mars, à 20% près. C’est-à-dire qu’un gain de 20% du S&P500 le ramènerait à son sommet et une perte de 20% le ferait rejoindre son bas du mois de mars au pire de la chute.

Plus près de chez nous, en ce qui concerne le TSX, la même réalité se profilait à peu de choses près, alors qu’il faudrait à l’indice canadien un gain de 23% pour atteindre à nouveau son sommet de février et une chute de 23% pour retoucher son point bas de mars.

En regard du graphique qui suit, il semble d’ailleurs y avoir une certaine hésitation de ces deux places boursières depuis quelques séances à savoir dans quelle direction leur indice se déplacera.

Les indices S&P500 et TSX depuis le début de 2020

Comme c’est souvent le cas en investissement, face à l’incertitude qui caractérise le domaine, vous trouverez des arguments solides de part et d’autre pour appuyer une hausse comme une baisse des indices boursiers:

Arguments fréquents pour une hausse (les Bulls)

• On voit dans les chiffres globaux disponibles sur la pandémie un ralentissement des nouveaux cas, indiquant que le pire pourrait être derrière nous
• L’aide fiscale et monétaire des autorités est sans précédent et ne devrait pas échouer à soutenir l’économie et par ricochet les marchés boursiers
• Les alternatives de rendement ne sont pas légion avec des taux d’intérêt pratiquement nuls ou négatifs, ce qui rabat les investisseurs vers la bourse quoi qu’il arrive dans l’économie réelle
• La volonté d’une part importante de la population de redémarrer les choses suite au confinement pourrait doper l’économie et les revenus des entreprises (et donc la valeur des actions)
• Le ralentissement de l’économie ayant été imposé artificiellement, une reprise devrait être proportionnellement rapide, bénéficiant aux entreprises et aux indices boursiers

Arguments fréquents pour une baisse (les Bears)

• Nous connaissons mal la vraie situation globale, n’ayant pas autant de données concernant les pays sous-développés qui n’ont pas accès aux mêmes tests et aux mêmes moyens que nous
• La réouverture graduelle des activités économiques augmentera le risque d’une deuxième vague de contagion qui serait carrément dévastatrice pour la confiance des consommateurs et des entreprises
• Malgré l’aide gouvernementale colossale, les États ne pourront pas éternellement tout soutenir et on s’attend à de nombreuses faillites et décotes de crédit dans plusieurs secteurs de l’économie
• Les habitudes de consommation seront dans plusieurs cas définitivement transformées, rendant difficile la survie de plusieurs entreprises issues de «l’ancien monde»
• Les demandes cumulatives à l’assurance-emploi continuent d’établir de nouveaux records au Canada et aux USA
• Les aides gouvernementales nuisent dans certains cas à un retour en activité de travailleurs moins bien rémunérés qui calculent qu’il n’est pas plus rentable pour eux de retourner au travail, freinant ainsi le développement économique potentiel

Malgré le temps qui passe, l’incertitude dont on parle depuis plusieurs semaines dans nos lettres demeure forte. Certes, on connait mieux les statistiques sur les cas identifiés ici et ailleurs et la progression semble ralentir, mais on ne sait rien de la suite et des conséquences profondes sur l’économie:

• À quand la véritable fin de la première vague
• Quelle est la probabilité d’une deuxième vague
• Combien de faillites seront causées par la première vague
• Quelle sera la volonté des travailleurs de reprendre leur ancien poste dans les conditions sanitaires actuelles, si leur poste existe encore
• Quel pouvoir d’achat réel et quelle envie de consommer en résulteront pour les millions de personnes actuellement sans emploi

Une certaine prudence toujours de mise

Tant que les bulletins quotidiens seront composés à presque 100% du suivi d’une pandémie omniprésente, nous demeurerons doublement prudents dans notre allocation aux différentes classes d’actifs. Un retour vers les classes plus risquées doit se faire dans l’ordre et en temps et lieu, pas dans l’empressement par souci de ne rien manquer dans un marché encore très volatile et incertain. Les chiffres sur l’emploi à la fin de cette semaine donneront une autre indication de l’état de situation.

Cette crise, qui a d’abord été un choc du côté de l’offre (la fermeture forcée des activités), suivi d’un choc de confiance généralisé, pourrait bien voir se matérialiser un choc de demande en bout de ligne malgré une réouverture programmée. Si c’est à ne pas souhaiter, il ne faut pas non plus ignorer ce risque dans une gestion diligente des actifs.

La pandémie de la COVID19, même une fois terminée, laissera des traces indélébiles dans l’inconscient collectif. Plus personne ne réagira de la même façon dans un commerce en voyant entrer un enrhumé qui éternue, mouchoir au nez (si ledit enrhumé ose dorénavant sortir de chez lui).

Ils sont nombreux à observer Yoda, et vous?

L’un des investisseurs les plus suivis et respectés au monde est certainement Warren Buffett. Quand il envoie un signal fort concernant un secteur de l’économie ou une entreprise en particulier, les marchés n’y sont pas insensibles. Étant donné le rendement historique de ses stratégies d’investissement, il y a de quoi porter attention à ses propos.

Or, malgré que Warren Buffett soit assis sur des liquidités de plus de 190 milliards de dollars (CAD), il tarde à déployer cet argent. Au contraire, il a complètement liquidé récemment les investissements massifs qu’il avait dans les 4 grandes compagnies aériennes américaines (America, Delta, United, Southwest) en déclarant que «le monde a changé» et, en gros, qu’il leur souhaitait bonne chance. Quand on sait que la santé de l’aviation est souvent un indicateur de la santé économique en général, ça fait réfléchir. Pour ajouter une statistique, c’est 95% de la demande de l’aviation qui a disparu du paysage depuis le début de l’année. Une reprise totale du secteur n’est prévue que dans quelques années par les entreprises du secteur elles-mêmes…

Si l’aviation est ainsi condamnée à y goûter ces prochains mois, d’autres bouleversements de structures industrielles et de pans entiers des économies nationales seront à prévoir partout sur la planète. Un exemple: la capitalisation boursière de Netflix, certainement l’un des symboles les plus évidents du confinement, a récemment dépassé deux entreprises qui ont déjà été chacune à leur tour la plus grande capitalisation au monde, soit ExxonMobil durant les années fortes du pétrole, et Cisco durant le boom informatique et Internet. Les contextes changent, les gens et leurs habitudes aussi. Nous n’épargnerons aucun effort pour en faire un suivi serré et protéger au mieux votre patrimoine.

Que la Force soit avec vous!

Votre équipe