La présidentielle américaine 2020

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Tout ce qui est excessif est insignifiant
Charles-Maurice de Talleyrand (1754-1838)

Quelle époque nous connaissons. Le diplomate Talleyrand trouverait sans aucun doute plusieurs éléments d’excès à appliquer à sa célèbre maxime dans la société d’aujourd’hui. De l’euphorie reliée à certains titres boursiers, aux distorsions de la réalité causées par les chambres d’écho sur les médias sociaux, jusqu’aux fake news qui sont devenues une véritable plaie.

Parlant de fake news, l’expert incontesté en la matière saura mardi si nos voisins américains lui donneront quatre ans de plus ou s’ils en ont eu assez. Comme à l’habitude à l’approche d’un scrutin rempli d’incertitude, la volatilité s’est clairement pointé le bout du nez sur les marchés cette semaine (plus de détails à ce sujet dans la lettre économique hebdomadaire à venir).

À quoi pouvons-nous donc nous attendre pour la suite des choses? La pandémie fait que nous pataugeons encore dans l’inconnu économique à bien des égards, mais il est tout de même rassurant de savoir que vos portefeuilles sont bien positionnés pour une période d’incertitude et de forte volatilité. La meilleure option demeure la prudence et la préservation du capital.

Une élection pas comme les autres

Ce qui se passera à court et moyen termes après l’élection est une continuité de la crise sanitaire. C’est donc toujours l’évolution de la COVID-19 qui dictera essentiellement la donne quant à une véritable reprise et un retour à une certaine normale. D’ici à ce que le virus soit derrière nous, il est plus difficile de se fier à des pronostics financiers et économiques coutumiers. On peut toutefois s’appuyer encore minimalement sur quelques éléments logiques (enfin, relativement) pour distinguer certains scénarios:

• Si The Donald fait entrer sa coiffure à la Maison Blanche pour quatre ans de plus et que c’est sa gestion médiocre de la pandémie qui retient l’attention, un portefeuille prudent comme le vôtre ne subira pas autant la baisse des marchés qu’un portefeuille agressif. Patrimoine préservé.
• Si El Donaldo gagne mais que l’élément dominant est plutôt l’attente de ses baisses de taxes par les marchés, un portefeuille prudent mais tout de même diversifié en actions bénéficiera d’une partie des hausses boursières. C’est votre cas. Patrimoine préservé.
• Si Joe Biden l’emporte devant Das Donaltz (allemand inventé) et que les marchés fléchissent à cause des attentes inverses de hausses de taxes et de confinements régionaux potentiels, un portefeuille défensif fera mieux que le marché avec sa pondération en actifs refuges. Patrimoine préservé.
• Si c’est Biden qui «coiffe» le Donaldoff (russe tout aussi inventé) et que les marchés sont rassurés par les attentes d’un nouveau soutien gouvernemental généreux et d’investissements publics accrus, votre portefeuille diversifié pourra profiter des hausses boursières. Patrimoine préservé.
• Si le gagnant officiel tarde à être identifié et que des contestations judiciaires s’ajoutent au portrait, sans compter l’agitation sociale, un portefeuille défensif encaissera mieux les bouleversements de marchés conséquents. Patrimoine préservé.

Quel que soit le résultat de l’élection de mardi, votre portefeuille prudent est en position de protéger vos acquis tout en pouvant bénéficier en partie d’une remontée des marchés. Dans tous les cas, lorsqu’on souhaite préserver un patrimoine, il vaut mieux avoir un bon cran de sûreté contre une trop forte baisse, quitte à capter une part moindre des regains, plutôt que de se mettre à risque de trop perdre en souhaitant ne manquer absolument rien d’une éventuelle hausse. Rappelons que les données économiques pointent encore aujourd’hui vers une reprise plus qu’hésitante sur plusieurs plans (consommation, production, emploi, etc.).

Faire attention aux grands titres

Vous aurez peut-être vu les manchettes de jeudi matin qui annonçaient avec grand fracas une «croissance record» de 33% du PIB américain au troisième trimestre de 2020. Si on revient aux premiers mots de cette lettre, on retrouve dans ce grand titre l’élément excessif. Voyons pourquoi:

• Le 33% était en fait un chiffre trimestriel de +7% qui a été annualisé, il est extrêmement trompeur hors-contexte quand on le transforme en +33% sans expliquer l’effet évident d’amplification.
• Le troisième trimestre faisait suite à la plus grande contraction économique depuis que des statistiques à cet effet existent. Partir d’un niveau bas aide évidemment en pourcentage pour la période qui suit. Par exemple, une hausse de 1 représenterait 1% si on partait de 100, mais elle représenterait 100% si on partait de 1.
• Les imprimantes virtuelles à argent de la Réserve Fédérale (via sa politique monétaire) et du gouvernement (via sa politique fiscale) ont créé cette reprise temporaire et en partie artificielle, puisque la consommation ainsi dopée a représenté le plus gros de cette croissance.
• Se rappeler aussi qu’une hausse de 33% ne récupère mathématiquement qu’une baisse de 25%. Or, le PIB selon cette même méthode de présentation avait chuté de 32% au trimestre précédent. Il aurait ainsi fallu une hausse de 47% pour compenser le deuxième trimestre.
• L’économie américaine, malgré ce soi-disant «record», demeure donc encore solidement en recul par rapport au début de l’année et elle ne reprendra sa vitalité pré-COVID que vers la fin 2021 au mieux, s’il n’y a pas de troisième vague (les paris sont ouverts).
• D’ailleurs, au moment d’annoncer ces chiffres, le virus avait déjà commencé à reprendre beaucoup de vigueur et des réouvertures récentes de commerces avaient été renversées, faits qui seront reflétés seulement dans les chiffres du quatrième trimestre.
• Ne pas oublier que plus de 11 millions d’Américains, dont la consommation est le principal moteur économique dans ce pays, n’ont toujours pas retrouvé leur emploi.

Qu’à cela ne tienne, notre impayable The Donald a évidemment tweeté (c’était à prévoir) que grâce à lui les États-Unis avaient produit la plus forte croissance économique de l’histoire.

Make America Civilized Again

En temps normal, le fait pour un candidat présidentiel de mentir éhontément sur un fait facilement vérifiable pourrait signifier la fin de sa crédibilité et de sa campagne, tout simplement. Donald Trump, lui, ment à répétition tous les jours. Ses frasques d’improvisation et de «faits alternatifs» sont devenues monnaie courante et on passe à autre chose, comme si on s’était habitué à voir un clown dans le siège le plus puissant de la planète.

Quel que soit le résultat de l’élection de mardi, il est à souhaiter que cette pratique du mensonge institutionnalisé puisse un jour n’être qu’un mauvais souvenir, sinon ça donnera raison à Gandhi. À la question d’un journaliste qui lui demandait ce qu’il pensait de la civilisation occidentale, il avait répondu à la blague: «ce serait une bonne idée».

Prenez bien soin de vous, bonne élection et au plaisir de vous revoir bientôt!

Votre équipe