À la mi-parcours de 2020

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Avec une seule moitié d’année complétée, 2020 s’annonce déjà comme une véritable annus horribilis sur plusieurs plans (économique, financier, social, culturel, etc.). Les bouleversements vécus marqueront définitivement l’histoire. Quelle est la base sur laquelle nous devrions entrevoir la deuxième moitié de 2020? Un mot s’impose plus que tout autre: la prudence.

À certains moments, l’audace peut être la seule forme de prudence convenable, disait René Lévesque avec son sens unique de la formule bien tournée. Dans le contexte économique actuel, on aurait bien envie d’inverser sa formule et de dire que la prudence est la seule forme d’audace convenable face à une certaine euphorie boursière récente. Il ne s’agit absolument pas d’être pessimistes ou sans espoir pour la suite, mais plutôt simplement de continuer à regarder les faits bien en face. Quelques rappels sont utiles en ce sens:

• L’année 2020 avait débuté avec des niveaux de valorisation boursière déjà très élevés sur une base historique. Pour plusieurs, une correction s’imposait et ce bien avant l’arrivée de la pandémie.
• Le coronavirus s’est transformé en pandémie mondiale et a forcé les gouvernements à fermer volontairement de grands pans de l’économie pour des raisons sanitaires. On en subit encore les contrecoups.
• Après avoir connu un sommet historique à la mi-février, les places boursières mondiales ont subi l’une des chutes les plus rapides jamais vues avec des pertes colossales en quelques jours seulement.
• Les gouvernements ont rapidement mis en place des mesures d’aide records représentant globalement des milliers de milliards de dollar en soutien aux entreprises et aux millions de nouveaux chômeurs.
• Le prix du pétrole est descendu en territoire négatif sur les marchés Futures par une conjonction de facteurs, dont le manque de demande et une guerre de producteurs.
• Les taux d’intérêt, négatifs au Japon et en Europe, sont au plus bas historique en Amérique du Nord afin de tenter de relancer l’économie.
• Faisant suite au creux atteint vers la fin mars, plusieurs indices boursiers se sont pratiquement envolés pour récupérer une bonne part des pertes enregistrées depuis le sommet de février.
• La hausse du prix des actions est provenue en partie des boursicoteurs qui ont «joué» leur chèque d’aide gouvernementale à la bourse. Mais auront-ils besoin de liquider leurs actions pour des dépenses de base lorsque l’aide gouvernementale prendra fin?
• Bien que plusieurs indices boursiers principaux soient toujours solidement en-deçà de leurs niveaux de février, la valorisation et les ratios les plus suivis sont revenus à des niveaux historiquement boursouflés, malgré les conséquences encore bien présentes du coronavirus sur l’emploi et l’économie.

Question de confiance

De nombreux économistes s’entendent pour dire que la confiance des consommateurs sera la pièce maitresse de toute reprise économique, la demande intérieure étant une composante cruciale de la santé économique. Le paysage actuel nourrit toutefois l’incertitude sur plusieurs plans:

• De façon très inquiétante, les nouveaux cas de coronavirus se multiplient aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, faisant craindre un deuxième ralentissement imposé des activités économiques.
• Les chiffres de l’emploi, qui avaient surpris à la hausse, pourraient de nouveau rechuter si les travailleurs rappelés du secteur des services subissent un deuxième confinement.
• Les 10 derniers marchés baissiers ayant nécessité en moyenne 2 ans pour récupérer pleinement les pertes subies, il serait exceptionnel (mais qui sait) que celui-ci soit déjà chose du passé étant donné le niveau d’incertitude sans précédent amené par la composante sanitaire d’un virus encore incontrôlé.
• Les déficits publics seront les plus profonds jamais vus sans l’occurrence d’une Guerre Mondiale.
• Même s’il n’y avait pas virus, les actions sont actuellement en territoire surévalué et l’injection massive d’aide gouvernementale qui soutient ces niveaux prendra éventuellement fin.
• Il ne faut pas exclure les aspects politiques et géopolitiques des prévisions économiques, et sur ce plan trois des plus grandes puissances mondiales ne sont pas sources de réconfort (voir les trois points qui suivent).
• Aux États-Unis, The Donald polarisera autant qu’il le peut sa population au lieu de faire ce que tout président potable devrait faire en temps de crise: rassembler. Et voilà que The Kanye s’invite dans la farce…
• En Russie, le président autocrate se traficote une présidence à vie (autrefois appelée simplement une dictature).
• En Chine, le parti unique montre des dents et devient de plus en plus belliqueux face à Hong Kong, à Taiwan et au reste du monde.
• La recherche pour un vaccin se poursuit mais les principales percées ne demeurent que partielles.

Tous ces facteurs devraient au minimum modérer les plus optimistes d’entre nous quant à la suite des choses sur le plan économique et, par ricochet, sur le plan de l’investissement dans des actifs plus risqués. Les évaluations boursières actuelles auraient besoin d’une reprise économique forte et rapide pour être justifiées et cela semble moins que certain. Something’s gotta give, comme diraient nos voisins.

Au cœur d’une incertitude encore omniprésente, la prudence demeure donc bel et bien la meilleure audace face à la tentation universelle de ne pas vouloir manquer le train. Protéger le capital doit primer sur une prise de risque à vue de nez. Un portefeuille défensif, aujourd’hui sensiblement au même niveau qu’en début d’année malgré la tempête, est une véritable bénédiction dans le contexte.

Faut-il joindre l’euphorie ou attendre que les paysages plus clairs reviennent? C’était quoi son autre formule déjà: À la prochaine fois!

Portez-vous bien et demeurez audacieusement prudents.

Votre équipe